Toolika Gupta
Toolika Gupta
Toolika Gupta est chercheuse et éducatrice dans le domaine du vêtement, du textile, de l’artisanat et du design; depuis avril 2017, elle est aussi directrice de l’Institut indien de l’artisanat et du design, à Jaipur. Elle est titulaire d’un doctorat en histoire de l’art (« Vêtements et textiles ») de l’Université de Glasgow, R.-U.; d’une maîtrise en sciences sur les textiles et le vêtement du collège Lady Irwin de New Delhi, en Inde, et a été associée au Centre de recherche sur le textile de Copenhague, au Danemark, en tant que boursière doctorante. Désireuse de promouvoir la recherche sur les peuples autochtones et de la rendre accessible aux personnes intéressées, elle a créé, aux côtés de plusieurs de ses pairs, le Centre de recherche sur les textiles et le vêtement (TCRC) à New Delhi en 2016. Elle y occupe actuellement le poste de secrétaire. Elle a également été nommée membre du Comité national sur le design de la confédération des industries indiennes en 2019 et 2020.
Lecture des lettres
J’ai visité les États-Unis en 1997; à l’époque, l’Internet était moins répandu, et ni moi, ni ma famille, ni mes amis n’avions d’adresse courriel. Je faisais donc parvenir des lettres à ma grand-mère, mes parents et mes amis pour leur raconter mon voyage en détail : je leur décrivais ma routine quotidienne, les personnes que je rencontrais et les choses qui me fascinaient. Ainsi, en lisant les lettres écrites par les sœurs Gwillim, j’ai tout de suite compris cette envie de raconter ses découvertes à ses proches restés au pays. Cette tendance à demander des choses et à envoyer des souvenirs qui, on peut le penser, feront le bonheur des proches et des amis.
De la même façon, comme elles racontent la découverte de l’Inde à travers les yeux d’étrangères, les archives Gwillim m’ont beaucoup touchée par le genre d’information qu’elles contiennent. Je trouve très utiles ces documents vieux de 200 ans. Étant chercheuse et historienne dans le domaine du textile et du vêtement, j’apprécie qu’elles soient aussi riches en descriptions - c’est précisément leur raison d’être. Pour moi, ces lettres sont des sources d’information sur l’Inde, du point de vue des deux sœurs. Elles sont bien sûr adressées à des personnes qui n’avaient jamais vu l’Inde; elles sont donc rédigées avec une abondance de détails, pour évoquer des images précises chez ceux qui n’en connaissaient ni les paysages, ni les peuples. Les lettres des Gwillim aident à confirmer certains faits sur le vêtement et nous donnent un aperçu de cette époque où les tissus indiens étaient convoités. Il est amusant de noter qu’elles adoraient faire parvenir des châles et d’autres textiles indiens à l’étranger, mais préféraient recevoir des tissus anglais pour confectionner leurs propres vêtements. Les descriptions d’habits, de plats, de mœurs, de festivals et de célébrations sont encore plus utiles. Par exemple, elles appellent la « pagode » la devise qu’elles emploient; c’est quelque chose que j’ignorais, comme bien des gens, je présume.
Les archives contiennent également une lettre, rédigée comme si elle avait été écrite par un domestique indien. C’est intéressant; je ne suis pas certaine d’y détecter une voix indienne. En effet, ces lettres ont été écrites par les sœurs : il est donc normal de n’y entendre que leur voix. On ne peut que s’imaginer les pensées ou les sentiments des Indiennes et des Indiens qui les entouraient. Il n’existe par ailleurs pas qu’une seule « voix indienne »; les rajas avaient les leurs, les paysans aussi. Les hommes avaient leurs voix, les femmes les leurs. Pour moi, ces archives représentent une fascinante source de renseignements sur l’Inde, sur la perception qu’en avaient les Britanniques, sur ce que ces derniers ont fait en Inde, et sur la façon dont ils se sont adaptés au mode de vie du pays.
J’aime aussi tous les tableaux qu’elles ont peint; je trouve très intéressant d’observer les vêtements représentés.
Je suis d’ailleurs impressionnée par leur immense talent de peintre. Je ne peux qu’imaginer combien il était laborieux de capturer les oiseaux pour les peindre... Aujourd’hui, il suffit d’un déclic de la caméra pour qu’ils s’envolent. Identifier ces oiseaux, les tuer et les empailler pour les peindre devait être particulièrement ardu.
Écoutez la professeure Gupta parler de son expérience des archives Gwillim dans l’épisode 2 de notre balado.